BULLETIN

ORANGE EXPORT LTD

Publié par Raquel, au 52 Av. Pierre Brossolette à Malakoff (92240)

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Sponte sua forte ____________________ LUCR.
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Octobre 1978 _______________________________________ N° 11

 

K.N.1

Au début, étaient :

  • l'inaptitude à fantasmer

  • des noms (et non des mots) : Karen Novotny, les-Mains-d'Orlhac, etc., issus d'un riche et arbitraire contexte, d'une vieille dérision
  • le besoin irrésistible de raisonner: d'atteindre, d'unir, de déduire.

La progression, le procès, se fera en/par un nombre mesuré de temps (ou termes), développement qui se référera à la « croissance végétale », opposée ou unie à !'Histoire. Les termes utilisés pour marquer le développement importent peu : les vrais termes se sont répétés ailleurs : Indochine puis (ou) Algérie, ou (puis) Vietnam ; la répétition, le ré-cit esi:-il Histoire ?

Assez vite (thriller, speed, Mickey Spilène), Karen Novotny devient K.N., « concept », « concept repensé », « produit » en/par un « travail de forçat » (of, « forcer une plante ») qui force un écart, ou dans un écart (Verstellung), depuis un « intérieur » (un antérieur, un enseveli). Magistral (coiffé des mains d'Orlhac), Pierre Rottenberg écrit : « Le produit de l'histoire est ce travail forcé (...) qui doit découvrir son écart de croissance ». Sinon : « incrustation négative », photographie muette, réification, non-conscience du geste et du matériau, lente avancée dans le couloir (cf. shock-corridor), existence végétative et/ou « folie ».

Dans K.N., livre matérialiste et métalinguistique, le souvenir, demeuré vif, de la dialectique d'Engels donne une nouvelle vie (vie Vagadu, vie vague à l'âme) aux travaux (forcés ?) des anthropologues contemporains.

Hubert Lucot

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1 Pierre Rottenberg, K.N. (avec une vignette de Joël Kermarrec),
collection Le Chemin des Amoureux, Orange Export Ltd., 1977.

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QUEL LIVRE ? 1

 

Quel livre lisez-vous ? Jamais, je ne sus répondre à cette question. Il m'a toujours semblé mentir si je donnais : Un titre, Un nom d'auteur. Non. Vous ne pouvez vous débarrasser aussi aisément de cette question. De la menace qu'elle fait peser.

Lire un livre serait le comparer. Tandis que le livre exige la solitude. L'oubli. Oui chaque livre est l'oubli de tous les livres. L'oubli.

(J'ai commencé par fixer le bleu du titre. Songeant, bien sûr, au Bleu du ciel. Dois-je vous l'avouer ? Je ne cite un titre que quand je n'ai pas lu le livre. Le titre m'interdit de lire. Je ne peux m'expliquer. Je vous disais que j'ai cherché une couleur dans votre livre. Le sentiment de la couleur.)

 

Vous ai-je lu ? Chambre bleue, Douceur.

 

Vous dites : « Algéria » et j'écoute cela qui vous fait parler. D'une parole ventriloquée. Sans vous. Avec la mémoire d'une guerre, comme des glaçons dans un verre.

 

Vous me dites : « Ce bruit. La guerre. La mer. Elle qui pleure. Enculée »

Oui, votre livre ne lève pas l'énigme. Douleur.

C'est un livre déserté comme un quai, avec la fascination de l'eau où (ne pas) tomber. Je copie : « Expliquez-moi' Quoi ? 'Tout : vie – mort – tendresse – et comment [...]' » Chant de deuil. Élégie. Quand tout a lieu dans la tête.

Oui, le mot « fragile » suffirait à vous expliquer si vous n'aviez pas écrit...

 

(C'était comme si après m'avoir bâillonné, vous me disiez : « Parle ! » On n'écrit que sous la torture. En étouffant. Près de suffoquer. Le livre est un commentaire de tous les livres absents. Tu ne peux donc connaître le livre que tu lis. Que j'ai lu. Et. Je vous le demande, peut-on se fier aux inscriptions figurant sur les pierres tombales ?)

Mathieu Bénézet

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1 Franck Venaille, La Guerre d'Algérie, Éditions de Minuit, 1978.

 

L'ANTÉFIXE POÉSIE 1


façade des maisons et buildings perpendiculai rement peintures qui sèchent entre leurs drap s de bois, notre papier qui est le peu que nou s savons de nos corps même si une langue, autr e, parfois en troue la surface, je ne vois autr e raison que la dissymétrie de tigre de la le cture à cet événement en bout de chariot de l'œil comme si ce qui est dit seul pouvait d onner le quanta d'énergie nécessaire au rebon d vers le nouveau début, en ignorant toujours que dans le silence de ce saut informulé passe une lumière folle vraisemblablement à faire j aillir d'une émulsion peu banale (mentale) le s lettres de notre corps noir, ce qui implique rait que la page loin d'être support seulemen t surface communicative commercialement dist ribuée aurait le pouvoir de captation des ima ges même éclairées électroniquement ou cran à cran ou par film ou que sais je afin de reme ttre simplement avant tout en place le lisibl e, lequel l'ortie du lyrisme dieu merci ne ces sera guère et pour longtemps d'incendier, car, e t c'est ainsi, la langue n'arrête pas de voulo ir remplir du déjà vu du déjà lu du déjà dit du déjà vécu non seulement toute notre vie to utes leurs vies ce qui après tout est peu de c hose mais le non vu non lu non dit non vécu 1 e sans couleur le sans grain de la page de livr e de la page prise en livre serrée en livre a vec son inexorabilité de lignes de parcours e n lignes descente dans la pente double visible et invisible de la diagonale bruyante et de la diagonale silencieuse où saute l'œil, comme à l'intérieur d'une maison dont on a enlevé le toit : derrière, contre l'universel reportage, l'a ntéfixe poésie.

Jacques Roubaud

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1 Denis Roche, Notre antéfixe, collection Textes, Flammarion, 1978;
Antéfixe • de Françoise Peyrot, collection Figurre, Orange Export Ltd., 1978.

 

 

 

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