Emmanuel Hocquard 

 

Emmanuel Hocquard2

 

PETITE SUITE POUR DAVID

(Dix peintures de Raquel sur papier)

 

1.

Les dix peintures
sont étalées
en deux rangées de cinq
Elles ont toutes les dix
les mêmes dimensions
quarante-six centimètres
sur cinquante
 -
Elles tiennent ensemble
si bien sous le regard
qu'on n'imaginerait pas
les voir autrement
 -
Pas plus que les six kakis de Mou k’i
on ne songerait à les dissocier
 -
On les regarde comme un tout
-
-
-
2.

Leur simplicité les met
à l'abri des appréciations
timorées ou pédantes
 -
Mais il n’y a rien
d'incompatible en elles
avec un éclat de rire
 -
Elles appartiennent
à une série que caractérise
l’intensité de la couleur
 -
 -
 -
3.

Chacune des peintures
consiste substantiellement
en un accord de trois
ou quatre taches quadrangulaires
et vives
 -
plaqué avec fermeté
mais non sans retenue
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4.

Tout a lieu
dans la disposition
précisément
de ces taches
 -
aux angles ou sur les bords
 -
Ici
dans les deux coins du bas
deux jaunes différents
l’un plus clair
l’autre plus foncé
 -
Un interstice
les sépare
 -
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5.

sur le bord
latéral gauche
à mi-chemin
entre le jaune clair
et l’angle vide
en haut
 -
la troisième tache
est d’un ton plus strident
et doux
 -
On ne distingue
aucune trace du pinceau
Nul ne pourrait dire
par où cela a commencé
 -
 -
 -
6.

La pluie qui tombe
derrière les vitres
n’altère pas l’éclat
de cette réflexion
obtenue à partir
de poudre
de papier
et d’eau
 -
Dans l’alternance
des passages et des tensions
on est
au cœur d’un espace
affranchi des mesures

-

In « Un privé à Tanger », P.O.L., 1987

 

 

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